Autoportrait nu

— Egon Schiele (1890-1918)

Le cœur lui non plus n’était pas un organe transparent, et j’aurais tant voulu qu’il le fût, alors je déguisais mes blessures, l’esprit prenait sa revanche, je composais un personnage hors d’atteinte, mais lorsque le soir je retrouvais mon corps, lorsque je l’observais affolé, je pensais aux tableaux de Schiele, aux corps tortueux qui s’y pliaient, s’y contorsionnaient comme si chaque position, chaque mouvement, chaque attitude trahissait un mal dévorant, membres étriqués se pliant sans souplesse dans la douleur, tronc décharné, visage émacié et angélique, et au cœur de cette nudité indigne, dormait un sexe recroquevillé par la peur, érotisme famélique et infâme, donné à voir sans autre exhibitionnisme que d’atteindre la vérité du désespoir qui rongeait ce corps…
(extreit de Mon corps mis à nu, Les Impressions nouvelles, 2013)