Le jardin, le séisme. Dans les pas de François Muir

Il fut ici un poète.

Rien à raconter. Pas une histoire. Rien que ce qui est.

Sous le feu du silence. Mes yeux cernés d’une lune sombre. Signe d’un métabolisme inquiétant. Dévoilent ma double vie. Non pas une vie parallèle de débauche, mais une vie de soustraction. Loin. Si loin. De celui qui s’affiche. Je suis l’en-deçà de la voix intérieure. Celui qui toujours se soustrait à sa présence. Une absence manifeste que je retrouve dans sa vie, dans son œuvre. L’art de se déposséder.

Il fut ici un poète que peu ont entendu. Tathātā. Ainsi les cartes sont-elles distribuées. Ainsi faut-il œuvrer avec ce que l’on a. Avancer dans l’ombre du désastre. Solitairement.

Pour qui s’intéresse à votre œuvre il va sans dire que ce qui frappe, avant d’avoir lu une seule ligne, c’est la syncope entre le plein de votre prose et le vide de votre poésie. Deux modes d’envahissement de l’espace, comme la photographie se saisit du réel de manière diamétralement opposée selon qu’elle se donne à voir sur un tirage ou sur la pellicule.

Comme je comprends cela. Dire trop ou pas assez.

Passé la porte du silence. La poésie laisse entendre tout ce qu’il y a derrière les mots. Ouvre des mondes. Ensevelis sous les traits. Dans la scène du vécu surgit une autre vie.

Et au fond si le corps ne servait qu’à cela, à deviner ce qu’il cache. Si l’ouïe n’avait pas d’autre sens que de débusquer l’inaudible. Si la voix était vouée à se taire, et les yeux, à n’observer que dans l’obscurité des formes sans contour. Ma main ne serait qu’une hypothèse. Les parfums de l’esprit enivreraient la raison. Je marcherais aussi lentement qu’un mort sorti de sa torpeur. Je serais ce qui reste de la pensée. Une poussière sans nom, sans autre consistance que celle que d’autres lui prêteront.

Ralentir. Ralentir jusqu’à disparaître. Le visage sans masque. Le regard délivré. Et s’arrêter à la dernière syllabe du dernier vers devant l’informulable royaume.

Île perdue. Autre paysage. La faute aux nuages si je décide de rentrer. Chercher dans l’habitacle ce que le dehors n’offre pas à ma vue. Dans la blancheur, la nuance qui, à la couleur, fait défaut. Chercher ce lieu où s’annule l’attente.

Lointain intérieur. Ecrire en dormant. Phrases se composant, se décomposant, comme une mer intérieure.

Chemin houleux. Où des mots réveillent des dragons et d’autres débusquent des voies secrètes.

Depuis plusieurs mois, je sens sa présence derrière mon épaule. Je ne me retourne pas. Car je ne peux m’empêcher de voir à travers mon travail sur lui le travail d’un autre sur moi-même.

Miroir sans fond.

Roue de la vie.

Interdépendance de toutes choses.

Extraits de presse.